Six marques, trois continents, des milliards en jeu : la trajectoire de Stellantis n’a rien d’un long fleuve tranquille. L’ascension de Carlos Tavares à la tête de Stellantis s’est inscrite dans une période de mutations sans précédent pour l’industrie automobile mondiale. La fusion de PSA et Fiat Chrysler, menée à bien sous sa direction, a redéfini l’équilibre des forces dans le secteur.
L’arrivée d’Antonio Filosa à la direction générale marque une étape nouvelle, alors que le groupe doit composer avec des impératifs de transition énergétique, d’innovation technologique et de pression concurrentielle accrue. Les choix stratégiques à venir pèseront sur les capacités d’adaptation et la rentabilité de Stellantis, dans un environnement marqué par la volatilité des marchés et les exigences réglementaires.
Carlos Tavares : un parcours marqué par la performance et la transformation
Passé par l’École Centrale Paris après des années au lycée français Charles Lepierre de Lisbonne, Carlos Tavares est le prototype du chef d’entreprise portugais qui a su s’imposer au cœur de l’automobile européenne. Dès ses années chez Renault, il déploie son flair de stratège et s’impose au sein du duo Renault-Nissan. Son style franc et ses décisions parfois abruptes laissent rarement indifférent.
En rejoignant le groupe PSA, Tavares orchestre un virage radical. Il tire l’entreprise vers un redressement spectaculaire : réduction des coûts, relance de marques comme Peugeot, et fixation d’objectifs chiffrés sans ambages. L’homme ne tergiverse pas, il exige des résultats rapides et les obtient. Cette capacité à restructurer en profondeur tout en maintenant l’emploi industriel en France force le respect, même chez ses détracteurs.
La fusion PSA-Fiat Chrysler propulse Tavares au centre de la nouvelle galaxie Stellantis. Ce rapprochement, l’un des plus imposants de l’histoire du secteur, met en avant son habileté à réunir des cultures d’entreprise variées et à conduire l’intégration de multiples marques. Il doit également composer avec les actionnaires, parfois aux intérêts divergents. Sous sa houlette, Stellantis prend le virage de l’électrification, sans jamais relâcher la pression sur les comptes.
L’itinéraire de Carlos Tavares inspire parce qu’il ne ressemble à aucun autre : de Lisbonne à la direction d’un groupe mondial, il a su transformer sa passion de l’automobile en une force de recomposition industrielle.
Quels défis pour Antonio Filosa à la tête de Stellantis ?
Avec l’arrivée d’Antonio Filosa comme directeur de Stellantis, une nouvelle ère s’ouvre pour le groupe automobile mondial. Ce dirigeant italien, diplômé de l’École Polytechnique de Milan, a déjà prouvé sa capacité de gestion à la tête de Jeep en Amérique du Sud. Désormais, il hérite d’un ensemble tentaculaire : Fiat, Jeep, Maserati, Alfa Romeo, des marques aux histoires entremêlées, parfois rivales.
Filosa doit satisfaire à la fois le conseil d’administration et les principaux actionnaires comme la famille Agnelli via Exor. Il lui revient de poursuivre la dynamique insufflée par Carlos Tavares, mais avec sa propre patte. L’accent sera mis sur la proximité avec le terrain, la réactivité aux marchés émergents, et la rentabilité des branches sud-américaines. L’électrification du parc automobile s’impose comme une réalité incontournable. Les choix d’investissements, la localisation des usines, l’organisation des effectifs : autant de sujets qui pèseront lourd.
Voici les principaux chantiers qui l’attendent :
- Harmoniser la gouvernance entre les équipes françaises, italiennes et américaines
- Redéfinir la stratégie industrielle face à une concurrence chinoise offensive et à la pression des normes européennes
- Rendre chaque marque rentable sans brider leur créativité ni leur identité propre
La réussite d’Antonio Filosa dépendra de sa faculté à rassembler, à composer avec des intérêts parfois contradictoires et à maintenir une cohésion entre logiques nationales et ambitions globales. La rentabilité, mesurée en millions d’euros, se conjugue avec de fortes attentes sociales, que ce soit en France ou en Amérique du Nord.
Changements de gouvernance : ce que la transition implique pour le groupe
Le renouvellement au sein du conseil d’administration de Stellantis modifie l’équilibre au sommet du groupe automobile. John Elkann, héritier de la famille Agnelli et président du holding Exor, reste incontournable : il multiplie les échanges directs avec les dirigeants et veille à la coordination entre actionnaires historiques et nouveaux venus.
Des profils plus internationaux font leur entrée, apportant une expérience forgée autant en France qu’aux États-Unis ou en Italie. Cette diversité transforme la gouvernance, ancre les discussions dans la réalité des marchés mondiaux et accélère les prises de décision. Les marques, Peugeot, Fiat, Jeep, doivent apprendre à naviguer dans des contextes locaux instables et à s’adapter rapidement.
Voici ce que cette nouvelle organisation implique concrètement :
- Émergence d’une gouvernance polycentrique : chaque entité gagne en latitude, tout en restant alignée sur une vision collective.
- Rôle accru des membres du conseil pour le suivi des résultats et la conduite du changement stratégique.
La famille Agnelli poursuit la défense de ses intérêts historiques, mais consent à revisiter certaines règles. Intégrer des cultures d’entreprise variées et arbitrer entre héritage industriel et innovation devient un enjeu central. Les décisions prises ces derniers mois témoignent de ce mouvement : réduction de certaines activités, redéploiement des compétences, mais aussi réinvention du dialogue social en France comme en Italie.
Enjeux stratégiques et perspectives d’avenir pour Stellantis sous une nouvelle direction
Le groupe Stellantis avance vers un moment décisif. La transition électrique s’impose comme la priorité, avec une accélération dans la production de voitures électriques pour l’Europe, l’Amérique du Nord et d’autres régions, parfois moins exposées médiatiquement mais stratégiques. Un exemple récent : la présentation de la Fiat Grande Panda, conçue à Turin, symbolise cette transformation industrielle, où innovation et optimisation technique priment.
La feuille de route s’articule autour de trois axes majeurs. D’abord, la montée en gamme pour valoriser les marques historiques du groupe automobile mondial. Ensuite, l’adaptation des sites de production afin de gagner en agilité et répondre aux évolutions réglementaires et aux attentes des usagers. Enfin, une discipline budgétaire renforcée, dans le contexte d’une fusion Fiat Chrysler qui exige un contrôle rigoureux des investissements.
Les priorités sont claires :
- Optimisation du portefeuille de marques : trouver le juste équilibre entre identité, héritage et innovation.
- Mutation du mix-produit : réussir la bascule vers l’électrique sans renoncer à la rentabilité, notamment en s’appuyant sur le succès des modèles thermiques comme les Moteurs V8 Hemi, qui séduisent toujours outre-Atlantique.
- Déploiement international : conforter la place du groupe en France, renforcer les positions en Amérique du Nord et miser sur les marchés émergents.
Chaque décision, ouverture ou fermeture d’un site, lancement d’un nouveau modèle, ajustement de la gamme électrique, engage des montants colossaux. La nouvelle direction devra tracer sa route entre exigences du marché et affirmation de l’identité de chaque marque. L’avenir de Stellantis se joue désormais à la croisée de ces chemins, où chaque choix dessine une nouvelle carte du secteur automobile.


